
Le samedi, en début d'après-midi. Nous sommes des cohortes. De Montréal, de Paris ou du Cap d'Agde, on attend que le photographe déclenche sa focale, on partage le même faux sourire figé.
On souffre pour des riens, puis quelques minutes plus tard, on devient euphorique pour des choses sans importance. Une fête foraine. Le samedi, en début d'après-midi, on veut seulement se faire croire qu'on est triste car on pense que c'est plus respectable.
Le samedi, en début d'après-midi, on a tous encore en tête les promesses du vendredi soir.
On espère, que pour une fois, le dimanche sera comme on l'a rêvé. Du miel.
Alors, le samedi, en début d'après-midi, lorsque la lumière du dehors est claire, presque transparente, on marche au hasard des rues.
On va un coup à droite puis à gauche, juste pour se convaincre de ne pas tourner en rond. On joue son personnage dans la ville. On prend soin de ne pas regarder la caméra, de bien respecter son contrat de figurant. Seulement de temps en temps, le plus discrètement possible, on lève les yeux vers les vitrines des magasins. Toujours, on s'aperçoit qu'on n'arrive pas à incarner ce que le metteur en scène et le scénariste voulaient.
Lentement, les projecteurs s'éteignent et nos paupières sont comme brûlées, on ne réussit jamais à savoir pourquoi.
Le lendemain dimanche, en fin de matinée, on se raconte à soi-même des samedis imaginaires en début d'après-midi. Des héros.
Le dimanche, en fin de matinée, c'est l'heure pile où le mécanisme de la semaine s'arrête pour mieux repartir. Ce moment précis où tout se fige quelques minutes. Où les lois du temps n'existent plus, n'existent pas.
Le dimanche, en fin de matinée, heure à laquelle les vieux s'asseyent sur des bancs pour se figer dans le présent, qu'ils passent lentement leur langue sur leurs lèvres usées.
Heure à laquelle les chiens sont rassasiés, se couchent dans l'herbe et n'aboient pas.
Le dimanche, en fin de matinée, quand les enfants courent plus vite, vers nulle part, comme pour faire venir leur vie et par soif du lendemain.
Quand nous, abusés, trahis, cajolés, usés, endurcis, apaisés ou rassurés par la semaine, nous sommes enfin vivants.

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